Elle entendit le bruit de ses pas étouffés dans le sable ainsi que son souffle bruyant, du à l'altitude à laquelle ils se trouvaient mais surtout à la durée de sa course et le faible nombre de pauses qu'il s'accordait. Il se rapprochait. Il s'arrêta quelques instants, à quelques mètres d'elle bien qu'il l'ignorait.
Le dos appuyé à un mur encore entier, à l'intérieur de la cour d'une maison qui longeait la ruelle dans laquelle elle l'avait semé, elle gardait ses bras croisés, le visage sombre.
Quelques secondes plus tard, il reprit sa progression, malgré tout. Les sons de sa course se perdirent dans le vent frais qui s'était levé.
Avec un soupir, elle se laissa glisser le long du mur et finit assise dans le sable.
Il lui était insupportable de le faire du mal, même involontairement.
Elle aurait voulu le rattraper, lui aggriper l'épaule et le convaincre d'arrêter de poursuivre ce mirage, cette chimère, cette ombre qu'elle était, qu'elle avait toujours été.
Mais elle savait qu'elle n'avait pas les moyens nécessaires à l'heure actuelle pour lui en faire prendre conscience.
Alors elle courait aussi. Dans ces ruines qu'elle connaissait sur le bout des doigts.
Et doucement, de par ses apparitions ici et là, elle lui faisait empreinter les chemins qui menaient vers la sortie de la cité.
Elle attendit quelques instants encore. Ferma les yeux. Les ouvrit. Leva la tête vers le ciel et observa les étoiles naissantes dans les lueurs bleutées du crépuscule. Leur adressa un sourire triste.
Il était temps.
Elle se releva et épousseta sa longue tunique bleue aux larges manches, son ample pantalon de même couleur et sa vieille cape. Ses pieds nus avaient quelques éraflures dues aux nombreuses accrobaties qu'elle effectuait pour atteindre les toits et rattraper, dépasser, suivre son poursuivant poursuivi, tout en se dissimulant à ses yeux.
La jeune fille parvint ainsi une nouvelle fois à le retrouver dans le labyrinthe de ces rues qui paraissaient identiques. Elle suivit sa progression du regard, puis jetta un oeil aux alentours.
Elle repéra une cheminée aux murs épais à quelques toits de sa position, qui pourrait le pousser à se diriger approximativement vers la longue avenue qui menait aux imposants piliers de pierre placés de part et d'autre des immenses portes de la cité.
Quelques bonds, une glissade qui faillit lui faire perdre l'équilibre et une roulade plus tard, elle s'était hissée sur la cheminée, bien en évidence. Il fallait maintenant qu'il l'aperçoive.
Durant ce laps de temps, elle retomba dans ses pensées, les yeux fixés dans le vide.
Pourquoi la poursuivait-elle ? Elle avait fini par comprendre, un minimum du moins, mais ne parvenait toujours pas à l'accepter comme une réalité. Ce qu'elle comprenait, en revanche, c'était que lorsqu'il passerait les portes de la cité, elle ne le verrait sans doute plus jamais.
A cette pensée, ses yeux verts s'assombrirent. Il était le seul à s'être aventuré à proximité de cette citadelle à l'autre bout de la cité, le seul à oser venir secouer les immenses chaînes qui maintenaient son portail scellé.
Mais surtout, ils avaient repris le tissage d'un lien qui s'était fait depuis bien des années, un lien qui lui tenait à coeur.
Un lien qui se briserait très certainement une fois qu'il se serait débarassé de ce qui le poussait à la poursuivre.
Etait-ce le seul moyen ? Etait-ce inévitable ?
Elle l'ignorait complètement.
C'est alors que son regard capta un mouvement, une tâche noire qui évoluait rapidement, au point que ses yeux croisèrent les siens le temps qu'elle reprenne contenance.
Un instant infime.
Un nuage de sable.
Le claquement d'une cape bleue.
Le début d'une averse.
« Tous les mirages ont une fin. Suis moi, la sortie n'est pas si loin. »
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