lundi 20 mai 2013

Go forth child, make us proud.


Je n'ai pas d'ambition, à ce qu'il paraît. Sans doute. 
Certains s'avancent sur des voies qui, théoriquement, devraient peut-être être réservées à ceux qui ont une véritable vocation, dans l'espoir de terminer dans un beau chateau, entourés de luxe, d'argent. C'est un choix que je respecte, sans pour autant l'approuver. Je comprends l'idée de sécurité qui se cache derrière un bon compte en banque.

Cela m'importe peu. Je désire simplement toujours être en mesure de faire l'aumône, et de ne jamais avoir à quémander quoi que ce soit à qui que ce soit. Et surtout, prendre soin de mes parents lorsqu'ils seront âgés.

Mais un jour, en rentrant chez moi, j'ai croisé une voisine qui m'a parlé de sa fille, de son futur, et par la même occasion, du mien.

« J'espère que vous aurez toutes les deux un petit travail tranquille, c'est tout ce qui compte à l'heure actuelle. »

Je me rappelle avoir levé les yeux et l'avoir regardée, sans pour autant faire de commentaire particulier.

« Un petit travail tranquille. »

Je savais pertinemment qu'elle l'avait dit avec gentillesse, et pourtant cette simple expression m'avait fait l'effet d'une gifle.
Non, ce n'est pas ce que je veux. Pas un "petit travail tranquille", non.

J'ai réalisé que j'étais ambitieuse. Très ambitieuse. Trop.
L'ambition matérielle est théoriquement presque toujours accessible pour celui qui s'en donne les moyens et qui ne se décourage pas.

Mais mon ambition est d'un tout autre acabit.
Qu'importe la gloire, qu'importe la fortune. 
C'est un rêve que je poursuis.
Graver un chapitre sur les murs de l'Histoire. 
Marquer au fer rouge les esprits des générations à venir d'une fièvre semblable à la mienne, les faire bouillir d'envie de frapper fort, frapper haut, ne pas se contenter de vivoter mais prouver que l'impossible ne l'est pas.

Dans mes tripes, dans mon sang, il y a quelque chose qui attend depuis tellement longtemps.
Un tigre en cage. Comme je comprends sa situation et ses sentiments.
Un jour j'ai lu une phrase qui m'a donné des frissons.
« J'ai vu tomber un empire. »

Je n'ai pas envie d'être comme ces adultes qui soupirent avec un petit sourire en coin. 

« Ah, on dirait moi quand j'étais jeune. Mais tu sais, avec le temps tu te rends compte que tu ne peux rien faire. »

Ahaha oui alors posons notre royal postérieur sur un banc et attendons que ça passe. 

Nope.

Je ne veux pas me contenter d'une petite vie paisible alors que d'autres ont faim tous les jours, alors que l'injustice se répand aux quatre coins du monde avec la bénédiction des "haut-placés" qui sont pourtant si bas dans la dignité humaine.
J'ai envie de les faire descendre de ce piédestal d'imposture, les rendre fous et hanter leurs cauchemars, qu'ils aient les yeux fermés ou ouverts.
J'ai envie d'aider à hisser les valeurs au rang qu'elles ont toujours mérité.
Redorer le blason des mots oubliés.
Trop de causes à défendre, trop peu de bras.

Je veux être là quand le vent se lèvera.

Mais comment ? Quand ?
Je l'ignore, pourtant j'ai la certitude, la profonde conviction qu'un jour l'opportunité se présentera. 
Qu'elle viendra frapper à ma porte au moment où je serais la plus sereine, bercée par la routine d'une vie simple mais, je l'espère, heureuse. C'est dans ce genre de moments qu'elle vient, parce que sinon, où serait le mérite n'est-ce pas ?
Je souhaite de tout coeur que lorsque je devrais faire face à ce choix, je n'hésiterais pas.

Alors, en attendant...
J'écris.

Et là aussi, une autre ambition s'est réveillée.
Laisser une trace. Une infime, minuscule petite trace.
Mais une trace quand même. Le dessin d'un rêve.

Un livre.
Et puis un autre ?
Est-ce-que je pourrais, à la force de ma plume, construire cet escalier, marche par marche ?
Ou est-ce que je me perdrais dans l'abîme en essayant ?

Pourquoi se poser des questions, quand au fond de soi-même on connaît déjà les réponses...


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dimanche 28 avril 2013

Entracte.

"ntldr is missing
Press ctrl+alt+del to restart Windows"

Elle fixe l'écran sans comprendre, venant à peine de se réveiller, les yeux encore fermés à demi. 
Depuis ses premiers pas dans l'univers virtuel, elle en avait fait, des bêtises. 
Fervente admirative de la couleur bleue, il y avait pourtant une teinte qu'elle détestait au plus haut point: celui du fameux "blue screen of death".
Mais cette erreur là, elle ne l'avait jamais rencontrée.
Elle fait la manœuvre demandée, pour se retrouver encore une fois devant ce message d'erreur.

Fallait-il vraiment que cela se passe aujourd'hui ? Ni hier, ni la veille, non. Juste le jour de cet examen particulier qui doit débuter à 9h.

Soit. Elle se rabat sur cet ordinateur portable qui lui sauve la mise, une fois encore.
Alors qu'il démarre en ronronnant, elle réalise que contrairement aux autres fois, sa frustration n'est pas comme d'habitude.

Ces derniers temps, elle se surprend à ne pas déborder. Elle gronde encore par moments, bien entendu. La terre tremble, mais elle se calme assez rapidement. Pas d'éruption, pas de lave. Deviendrait-elle un volcan endormi, comme le Piton des Neiges ?

Puis le temps passe. Il passe tellement vite ces derniers temps. Le sable ne reste plus, il glisse, il s'échappe, le plus petit de ses grains se désintègre entre ses doigts, pour ne plus jamais y repasser.

Peu importe que le poing soit serré ou la paume ouverte, rien ne change cette réalité immuable. 

Elle est retournée prendre sa couverture bleue et s'en est fait un cocon. Rassurant, protecteur. 9h, l'épreuve commence.

Les phrases défilent devant ses yeux. Elle a compris ce qui est attendu, mais sera-t-elle capable de répondre à ces attentes ? Elle l'ignore.

Reportage. Prise de notes méticuleuse, pas de temps à perdre en le revisionnant encore une fois.

Informations. Un jeu de piste virtuel qui ne l'effraie pas tant que ça.

Elle s'éparpille. Toujours. Puis elle observe, organise. C'est ce qu'ils aiment, n'est-ce pas ? L'organisation, la logique, le fil conducteur. Question ? Réponse. Structurez, vous devez structurer votre travail. 

Le plan est sorti de la page blanche. La colonne vertébrale. Les intercalaires du classeur au milieu desquels on rangera informations, arguments. Le corps du texte.

Mais le temps file, court, nargue ceux qui pensaient qu'ils pourraient le maîtriser en tourbillonnant comme jamais. Le soleil poursuit sa course alors que dans la chambre bleue, le bruit du pianotement des doigts sur les touches continue, encore et encore.

Devoir rendu à 15h57. Deadline: 16h00.
7 heures. 7 pages. Trebuchet MS, taille 12.

Satisfaite ? Non. Elle connaît déjà les failles.
Encore une fois, le barrage n'a pas cédé. Le sujet était intéressant, mais cela n'a pas suffit.

Elle n'a rien donné. Quelques gouttes d'eau à peine. Jamais pu forcer son cerveau à passer à la vitesse supérieure. A ne pas faire semblant.

" Elle a les capacités mais ne s'investit pas assez. "

Insuffisant. Ça ne suffit pas. 

Mais au final, en serait-elle vraiment capable ? 
Elle sait juste qu'elle n'en a pas envie. Que ce qu'on lui demande ne mérite pas cette attention recherchée.

Prouver sa valeur ? A qui ? Pourquoi ? Au nom de quoi ?

Peut-être qu'elle est arrogante, au fond. Ça se pourrait...

Mais peut-être que la réponse n'est pas si compliquée que ça. Peut-être que ça n'est pas un problème à résoudre, mais une énigme creuse.

Peut-être que derrière le barrage, il n'y a rien. Ça se pourrait.

Je n'ai rien à apporter à ce monde, que des histoires. Haha. Juste une voyageuse qui arpente les sentiers d'un monde qui n'existe que dans sa tête et qui raconte ce qui s'y passe.

Et même, les mots s'en vont. Peut-être que je ne suis pas à la hauteur. Peut-être que je ne l'ai jamais été. Peut-être que je ne mérite pas de les tenir dans ma main. Peut-être qu'ils veulent s'en aller, comme les grains de sable du sablier.

Je ne sais pas où je vais.
Je continue à marcher mais ça ne suffit pas. Dans ce monde, ça ne suffit pas. Dans cette société, je suis supposée prouver que je vaux quelque chose.

Fais ta lettre de motivation. Montre que t'as envie, allez. Allez vends-toi, vends-toi, tu sais que tu ne peux pas faire autrement. T'as des trucs à payer, tu dois payer si tu veux continuer à vivre tu sais. Parce que quand Papa et Maman ne seront plus là, il n'y aura plus personne pour toi, tu le sais ça hein ? Alors avance, bourrique. Allez, allez, tout doux. Si t'es sage et que tu fais bien ton travail, tu mettras assez de côté pour pouvoir acheter des trucs dont tu n'as pas besoin, okay ? Allez avance, brave bête.

De quoi, le vieux monsieur assis là-bas ? Noon, ne fais pas attention, regarde de l'autre côté, regarde, y'a un nouveau magasin qui a ouvert. Ce qu'il est ? Eh bien, ce que tu vas devenir si tu n'avances pas. Un déchet. Pourquoi tu fais ces yeux là, t'es pas d'accord ? Il a la même odeur ! Et tout le monde l'évite. Alors fais pareil. Fonds toi dans la foule et tout ira bien pour toi. Si tu contrastes ça va pas le faire, alors ferme la et sois jolie.

Mais oui, tu es jolie. Et tu sais quoi ? Tu pourrais l'être encore plus ! Si, si, je te jure ! Tu vois la dame dans la vitrine là ? Superbe hein ? Quel beau visage symétrique, si proche de la perfection. Pourquoi tu serais pas comment ça, hein ? Tu fais un peu tâche là quand même, puis les gens ils préfèrent parler à ceux qui ont de la classe tu sais. Et la chirurgie fait des miracles de nos jours. Tu trouves pas que t'es un peu grosse derrière tes oreilles, non ? Hein ? Comment ça tous ses cils ont exactement la même position de chaque côté ? Mais non voyons, ferme la, arrête de dire des conneries, tu sais rien, t'y connais rien dans ce domaine.

Oh, dépose ce journal ! Pourquoi tu pleures ? Oh pauvre petite, mais t'en fais pas, ceux pour qui ont a voté ils font se charger de tout ça ! Ils feront disparaître tout ce qui ne va pas. Ne t'en fais pas. 

De toute façon, toi, tu ne peux rien faire.

- Shaïma, à table !

La voix de ma mère me sort de cette transe cauchemardesque.
Mes parents. Les deux êtres qui me sont les plus chers au monde. Les ancres sans qui je serais partie depuis bien, bien longtemps. Où ? Je l'ignore.

Mais je serais devenue quelque chose qui n'aurait pas été beau à voir.
Parce qu'on dit que pour tuer un monstre il faut en devenir un soi-même.

Mais ils sont là, alors je ne peux pas. Je dois les rendre fiers. J'en ai tellement envie.
Ça, j'en suis sûre. Les rendre fiers et heureux. Oui. Je vais essayer.

Hum. Un "fait-divers" douteux, encore une fois. Ça devient monnaie courante, ahaha.
Oh ? Des gens intelligents qui ont compris ce qui se passe. Miracle. C'est pour de vrai ?

Ha. Un ami qui part. Comme de juste. Ils partent tous, ils sont tous partis.
Oh. Il revient ? Mais ça n'était jamais arrivé avant... C'est pour de vrai ?

Bon sang je ne sais plus écrire, les mots foutent le camp ou se pointent en anglais, c'est quoi ce cirque encore ?
Oh... Un commentaire d'un inconnu complet qui fait l'éloge de cette histoire... C'est pour de vrai ?


J'ai eu tort. On n'est jamais seuls, ce serait une erreur de le croire. On peut être une poignée, une pincée d'individus à l'échelle de la planète à ressentir ce que l'on ressent et à voir ce que nous voyons mais non, nous ne sommes pas les seuls.

Mon souhait le plus cher était d'être là "au début du commencement" et je crois que ce voeu a été exaucé.

Le vent se lève. Est-ce que tu le sens, toi aussi ? 
Il est frais, il sent bon la terre avant la pluie.

Je ne me laisserais plus tomber. Je ferais face à ces réalités qui m'insupportent en serrant les dents, mais je ferais de mon mieux pour ne plus flancher. Ne plus sombrer.

Oui, je suis dans la merde. J'accepte ce fait.
Mais ça, c'est selon les critères de la société. Et moi, c'est elle que je trouve merdique.

Et les plus grands changements n'ont pas été fait par des bourges qui se sont déplacés en palanquin et ont marché sur des tapis de velours.
On va s'en prendre plein la gueule. Et on va chialer. Et ça va être dur, ça va faire mal, mais ça en vaudra la peine. 

Parce qu'à chaque espoir perdu, il y en a cent qui reviennent à la vie.

Et mon histoire, et mes mots. Eh bien foutez le camps, vauriens. Je vous rattraperais. J'accepte le défi, parce que je vous aime depuis que j'ai appris à vous comprendre, et je ne vous abandonnerais jamais. Vous êtes l'arme qui m'a été offerte et j'entends bien être digne de vous.

Dans cette guerre, pas de sang, mais de l'encre.

Parce que les hommes sont mortels et qu'un fusil est incapable de diffuser une idée comme la plume peut le faire.


Et me revoilà, à partir de mon petit quotidien vers d'épiques aspirations. Demain, je retournerais à mes dossiers, à suer eau et sang pour les terminer avant ces damnées deadlines. Car avant d'être à portée de ces rêves de grandeur, le chemin sera long à parcourir.

Mais tant que je pourrais, par cette plume que j'aime mais qui me hait parfois, mettre à plat peurs et pensées avant de retrouver toute seule cette lumière tout au bout du chemin, je m'en sortirais. Je l'espère de tout coeur.