mardi 2 septembre 2014

Maelström.

Ecrire. Besoin d'écrire pour ne pas se noyer dans la tourmente des flots de pensées s'abattant sur les rivages du coeur. C'est avec l'encre de ces vagues que les lettres se forment, bouffées d'air pour celui qui perd pied.

Ce matin, à l'aube, un barrage a cédé. Terrible libération.

En amont, un autre, plus grand, plus solide, retient l'essentiel des eaux. Mais la quantité confiée au premier était importante malgré tout. Soigneusement construit afin de tenir le plus longtemps possible, il aura vécu deux ans.

Ce matin, à l'aube, j'ai compris qu'on ne pouvait pas être fort tout le temps, qu'il fallait juste savoir choisir les bons moments pour s'asseoir quelques instants et laisser le silence parler. 

Que parfois, persister à renier le poids de ce que l'on porte peut nous laisser à bout de souffle. 
Qu'au fond, on a le droit de le confier, de temps en temps, à Celui qui nous a doté de la force nécessaire pour le soulever. 
Que museler le coeur ne fera que rendre son rugissement plus puissant lorsqu'on le débarassera de ce qui l'empêche de s'exprimer.

Et pourtant, qu'est-ce que c'est dur de le faire. Comment accepter qu'un barrage se brise sans que éveiller la crainte que le suivant ne se fasse également détruire ?

Quoiqu'il en soit, cette destruction était inévitable. 

Car dès lors que la lecture de lettres - pourtant tracées par une autre âme - soit teintée du parfum de pensées familières, ces dernières ne peuvent qu'agiter et bouillir d'impatience. 

L'espace clôt, limité, conditionné dans lequel elles avaient pu être maintenues prisonnières ne suffit plus. Elles grandissent, elles explosent et se jettent contre les parois des murs de leur prison.

Frêle barrage construit par le cerveau qui fait pâle figure à côté du déchaînement des océans du coeur.
Tempête de souvenirs faisant fi des limites spatio-temporelles, s'attaquant sans vergogne à son hôte ayant eu la naïveté de penser qu'une échappée au pays des rêves suffirait pour oublier.

Oh, on n'oublie jamais vraiment. Le coeur sera toujours là pour rappeler, envahir les sens et faire défiler des images qui ne deviennent que plus vives si on ferme les yeux.

Alors, dans la douce lumière de la naissance du matin, on se lève parce qu'on comprend qu'on ne dormira plus, de la même manière que ces pensées qui, ivres de cette liberté arrachée, s'élèvent et irradient de plus en plus fort, à l'image du soleil.

Mais comment décrire un soleil ? 
Comment parler des rayons qui vous transpercent le coeur d'une flèche de tristesse croisée par une lance de nostalgie ?

Comment décrire la lumière et les ombres qu'elles projètent et leur rendre justice, peindre le portrait d'un astre comme si on pouvait le faire voir à un aveugle ?

Pourtant si clairs dans l'esprit, les mots deviennent subitement flous dès lors que la plume tente de les transférer sur le papier. Comment écrire d'une encre noire une pensée de lumière ?

Dans l'incapacité de leur rendre justice, on essaiera de leur courir après en espérant avoir la chance de les rattraper, de les regarder encore une fois de plus près.

Mais ils défilent, défilent à une vitesse incroyable, et n'ont aucune envie, ni l'intention de s'arrêter.
Alors il faudra attendre, patiemment. Attendre que le courant s'apaise et que l'eau trouble s'éclaircisse, tout en se gardant en tête la tourmente ayant suivi la chute du barage.

Attendre d'être à la hauteur des mots de lumière et les dessiner aussi fidèlement que possible.




En attendant, écrire sur l'écriture, encore et toujours. Pensées de pensées. Faire le croquis d'un peintre bouleversé par le spectacle qui lui fait face mais incapable de choisir les bonnes couleurs, incapable d'appliquer le premier coup de pinceau.

Au fond, écrire c'est tout simplement matérialiser des pensées et des ressentis. 

Tout le monde pense, tout le monde ressent.

Tout le monde peut écrire.